Le 17 février 2011, la Cour de Cassation française a rendu trois arrêts sur le statut d’hébergeur. Ces arrêts interviennent après la transposition de la Directive 2000/31/CE dite «  commerce électronique » dans la loi «  sur la confiance dans l’économie numérique ».
Cette directive harmonise le cadre juridique du commerce électronique et contient notamment des dispositions relatives à la responsabilité des intermédiaires. Elle prévoit que l’hébergeur n’est tenu pour responsable que lorsqu’il a « effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicites ». Lorsqu’il a de telles connaissances, l’hébergeur doit agir « promptement pour retirer les informations ou rendre l’accès à celles-ci impossible ». A défaut, sa responsabilité peut être engagée.
La Cour de Cassation applique donc ces dispositions relatives à la question de la responsabilité des hébergeurs.
Le premier arrêt rendu concerne un litige opposant DAILYMOTION aux Sociétés Nors-Ouest films et UGC Images. Lors de la sortie du film « Joyeux Noël », celui-ci avait fait l’objet de mises en ligne par des internautes sur le site DAILYMOTION. Les demandes de retrait avaient été, dans une certaine mesure, suivies d’effets, mais le film avait ensuite été de nouveau mis en ligne.
En première instance, le Tribunal de Grande Instance de Paris condamnait DAILYMOTION pour contrefaçon et parasitisme considérant que DAILYMOTION avait connaissance du caractère illicite du contenu, suite à la mise en demeure. La Cour d’Appel de Paris a, par contre, estimé que DAILYMOTION n’était pas responsable de ces mises en ligne. La Cour de Cassation a suivi la Cour d’Appel dans son appréciation, « la cour d’appel a[yant] exactement déduit que la société DAILYMOTION était fondée à revendiquer le statut d’intermédiaire technique […]». Selon la Cour, les opérations techniques réalisées par DAILYMOTION « participent à l’essence du prestataire d’hébergement », il ne s’agit donc pas pour DAILYMOTION de sélectionner les contenus mis en ligne. La simple organisation des contenus en thèmes ou catégories n’est donc pas suffisante pour caractériser un rôle actif de DAILYMOTION quant au choix du contenu.
Cette analyse est confirmée dans l’arrêt FUZZ du nom du site internet se décrivant comme « un annuaire en temps réel de liens vers les meilleurs articles de blogs ». Les internautes proposent des liens vers leurs actualités préférées et votent pour les articles d’autres internautes pour les mettre en avant. Un papier sur les aventures amoureuses d’un acteur français et d’une chanteuse australienne avait été mis en ligne par les internautes. L’acteur français a considéré qu’il s’agissait d’une atteinte à sa vie privée et le Tribunal de Grande Instance lui a donné raison. La Cour d’Appel de Paris a cependant considéré que le prestataire exploitant le site « FUZZ » ne pouvait être tenu pour responsable. La Cour de Cassation a, quant à elle, jugé que l’exploitant du site « n’était pas l’auteur des titres et des liens hypertextes [et] ne déterminait ni ne vérifiait les contenus du site ». La Cour en conclut que la Cour d’Appel a « exactement déduit que [FUZZ] relevait du seul régime applicable aux hébergeurs ».
Enfin, dans un arrêt AMEN, la Haute Juridiction a cassé partiellement l’arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse. AMEN, selon sa propre définition, « propose des services de transfert et d’enregistrement de domaines Internet, des hébergements web et des serveurs privés et dédiés. » Dans cette affaire, un Monsieur Y avait diffusé sur un sité hébergé par la société AMEN des « documents portant atteinte à la vie privée de son client », Monsieur X. Ce dernier a prévenu AMEN du contenu illicite du site par lettre recommandée distribuée le 8 février 2008. AMEN n’a procédé à la cessation de la diffusion que le 12 février 2008. La Cour d’Appel de Toulouse a considéré que la réaction d’AMEN n’avait pas été « prompte » et qu’elle aurait dû intervenir le 8 février. Toutefois, la Cour d’Appel n’a pas vérifié si la notification délivrée à AMEN « comportait l’ensemble des mentions prescrites dans la loi sur la confiance dans l’économie numérique ». Pour cette raison, la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse.
On se souviendra que dans un arrêt « TISCALI » rendu le 14 janvier 2010, la Cour de Cassation française avait qualifié le fournisseur d’accès à Internet d’éditeur. Les clients de TISCALI pouvaient en effet stocker et mettre en ligne des contenus dans un espace web avec des publicités sur les côtés. Des clients de TISCALI avaient placés des bandes dessinées scannées et diffusées sans l’accord des ayants-droits. Pour autant, les arrêts rendus le 17 février dernier ne constituent pas un véritable revirement de jurisprudence dans la mesure où l’arrêt TISCALI avait été rendu avant la transposition de la Directive « commerce électronique » dans la loi française.
Les arrêts rendus par la Cour de Cassation française ont donc le mérite de clarifier le statut des exploitants de certains types de sites web. En effet, pour les sites nourris par les contributions des internautes comme DAILYMOTION, FUZZ ou AMEN, la Cour qualifie le rôle de l’exploitant de prestataire de services d’hébergement.