Dans un arrêt du 19 décembre 2013, la Cour de Justice s’est prononcée sur la licéité des activités des métamoteurs de recherche au regard du droit sui generis protégeant les bases de données.

Selon la directive 96/9, la base de donnée est définie comme étant « un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou d’une autre manière ».

Ce texte confère une protection particulière au contenu des bases de données, via un droit sui generis  qui a pour objet de protéger l’investissement, tant financier que professionnel, consenti par celui qui a recherché, rassemblé et organisé le contenu. Le bénéficiaire de la protection est le producteur de la base de données, défini comme la personne (physique ou morale) qui a pris le risque économique de la création de la base de données (en consentant l’investissement). La logique n’est donc pas de protéger la création, mais bien l’investissement.

En vertu du droit sui generis ainsi reconnu, seul le producteur peut réaliser (ou autoriser) l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle de la base.

Le litige soumis à la Cour concernait un métamoteur de recherche dédié aux petites annonces de mise en vente de voitures, mis à la disposition des internautes par la société néerlandaise INNOWEB via son site internetwww.gaspedaal.nl.

Un métamoteur de recherche se distingue de moteurs de recherche généraux, tels GOOGLE ou YAHOO!, en ce qu’il transfère les requêtes de ses utilisateurs vers d’autres moteurs de recherche. L’internaute peut donc opérer simultanément des recherches dans plusieurs bases de données de sites tiers en une seule opération et sans devoir consulter les différents sites web concernés.

Pour chaque requête d’un internaute, le site GASPEDAAL génère une nouvelle page qui est stockée sur son serveur pendant environ 30 minutes et est envoyée à l’utilisateur, sous l’apparence de son site.

La société néerlandaise WEGENER est propriétaire du site www.autotrack.nl qui répertorie 190.000 à 200.000 voitures d’occasion et possède son propre moteur de recherche. Ce site figurait parmi les sites consultés par le métamoteur de INNOWEB. Considérant qu’il était porté atteinte à son droit sui generis, WEGENER a introduit un recours contre INNOWEB.

Dans son analyse, la Cour de Justice souligne qu’un métamoteur de recherche tel que celui mis en cause ne dispose pas d’un moteur de recherche propre mais se contente de traduire en temps réel  les requêtes de ses utilisateurs dans les moteurs de recherche de sites tiers, de sorte que toutes les données desdites bases sont explorées.

La Cour a alors examiné si les actes posés par le métamoteur de recherche sont assimilables à une « réutilisation » des bases de données tierces interrogées par le métamoteur de recherche.

La Cour considère que le métamoteur de recherche offre à ses utilisateurs un accès à l’ensemble des données des bases tierces qu’il interroge lorsqu’il répercute une requête. Grâce à une consultation en temps réel des bases de données tierces, l’utilisateur du métamoteur trouve tous les avantages d’une consultation directe des bases tierces concernées.

De telles pratiques mettent en péril les ressources publicitaires des moteurs de recherche (les annonceurs risquant de préférer apparaître sur les pages des métamoteurs uniquement).

Pour la Cour, le métamoteur offre véritablement un accès à la base de données tierce, ce qui constitue une réutilisation de l’ensemble du contenu de la base de données tierce.

En résumé, pour la Cour, un opérateur qui met en ligne un métamoteur de recherche dédié procède à la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu des bases de données tierces dès lors que ce métamoteur :

  • fournit à l’utilisateur final un formulaire de recherche offrant, en substance, les mêmes fonctionnalités que le formulaire de la base de données tierce concernée ;
  • traduit « en temps réel » les requêtes des utilisateurs finaux dans le moteur de recherche dont est équipée la base de données tierce, de sorte que toutes les données de cette base sont explorées et
  • présente à l’utilisateur final les résultats trouvés sous l’apparence extérieure de son site internet, en réunissant les doublons en un seul élément, mais dans un ordre fondé sur des critères qui sont comparables à ceux utilisés par le moteur de recherche de la base de données concernées pour présenter les résultats.
Notre conseil :
Les sites internet offrant des services de métamoteur de recherche sont de plus en plus fréquents.L’arrêt de la Cour de Justice permet de mieux cerner dans quelles limites ces pratiques sont licites par rapport aux droits des exploitants des bases de données tierces qui sont, par ce biais, indirectement explorées par les internautes.Afin de limiter les risques de conflit, il convient donc pour l’exploitant d’un métamoteur de recherche d’adapter la configuration de son outil, afin de ne pas rencontrer les critères fixés par la Cour pour qualifier la « réutilisation » du contenu d’une base de données.

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